Les pieds et membres: De grands négligés?

Publié le 23 juillet 2010

La santé des pieds et membres, voilà un sujet d’actualité… Selon le rapport de Valacta, le taux de réforme des vaches affectées par des problèmes de pieds et membres est passé de 6,9 % à 17,8 % de 1994 à 2008. Mais au delà de cette statistique, une étude britannique a démontré que 75 % des vaches réformées pour la production ou la reproduction avaient aussi des problèmes de pieds et membres. Une autre étude américaine dans les abattoirs démontrait que 50 % des vaches réformées auraient des problèmes de pattes.

Mais pourquoi cette augmentation au Québec? On sait qu’il y a de plus en plus de stabulation libre, les vaches en stabulation entravée restent de plus en plus attachées à l’année (presque plus de pâturage). Parfois aussi, les troupeaux grossissent rapidement au détriment du temps accordé à la bonne régie (moins de sélection). Comment pouvons-nous corriger la situation? Un premier pas serait d’identifier nos lacunes qui pourraient être dans l’ordre : la prévention, la détection et l’action rapide. Pour imager la situation, prenons une vache qui fait un déplacement de caillette. Tout d’abord, on sait que ce désordre se présente souvent en période péri-vêlage, alors on observe plus particulièrement nos vaches en transition. Une légère baisse d’appétit, on y voit tout de suite. Pas d’amélioration? Appelle le vétérinaire! S’il y a déplacement, opération dans les 12 heures!! Prévention, détection, action rapide. Qu’en est-il du mal de pattes? «Il me semble qu’elle boite un peu (cote 2, on y reviendra) on verra demain si elle va mieux». Quelques jours plus tard, « bon elle ne va pas mieux, faudra bien la mettre dans le rack quand on aura le temps», ai-je besoin de poursuivre? Prévention, détection, action rapide. Mais même s’il est bon de se rappeler ces choses, je pense que je ne vous apprends rien. En passant, il existe un bon moyen de qualifier les maux de pattes selon une cote de 1 à 5,1 étant en parfaite santé et 5 signifiant qu’une vache ne se déplace pas de son plein gré, adapté de Sprecher et al., 1997. Vos experts-conseils ont en leur possession un document explicatif de ces cotes et même des petits vidéos pour visualiser la chose, n’hésitez pas à leur en parler.

Ce que l’on sait moins par exemple, c’est que dans une étude américaine (Drendel et coll. 2004) on a révélé que 75 % des taures de douze mois ont eu des lésions au sabot et que 85 % des taures ont eu des lésions à un mois du vêlage. Ce n’est certainement pas la réalité de tous et chacun, mais ce qu’il faut surtout retenir de cette étude, c’est que les taures ayant eu des lésions à douze mois ont près de 30 fois plus de chances d’avoir des lésions durant la lactation; de même que celles ayant eu des lésions avant le vêlage ont 15 fois plus de chances d’en avoir durant la lactation.

Voilà un bon moyen de prévenir : assurer un bon confort aux taures pour éviter les lésions.

Au niveau de la détection, si vous consultez les documents dont j’ai parlé plus tôt, vous constaterez qu’il faut être attentif pour déceler une cote 2 mais pourtant, déjà à ce stade on considère des pertes de lait de 2 %. Mais surtout, une cote 2 non-décelée deviendra rapidement une cote de 3 ou 4, qui elle entraîne des pertes de lait de plus de 16 %! Notons au passage que certains chercheurs (Kopcha et coll. 2003) ont démontré que la prévalence de lésions aux sabots était douze fois plus grande que la perception (5 % versus 52 %) chez les primipares. Le tableau 1 donne les proportions attendues de vaches de différentes cotes dans un troupeau comparées aux résultats moyens.

Tableau 1

Des chercheurs ont même démontré qu’on pouvait observer de la boiterie avant même l’apparition des problèmes. Une étude sur 47 vaches a démontré que les vaches développant un ulcère de sole démontraient des signes de boiterie jusqu’à quatre semaines avant l’apparition de l’ulcère. Comme l’indique la figure 1, les vaches développant un ulcère de la sole marchent déjà le dos arqué, quatre semaines avant l’apparition de la maladie. D’où l’importance de bien observer nos vaches.

Il existe aussi une relation entre la condition de chair et les problèmes de pieds. La figure 2, qui représente une coupe transversale d’un sabot, montre la présence d’un coussin de tissus entre l’os du pied (3e phalange) et le sabot. Ce coussin est directement lié à la condition de chair de la vache et est relativement plus mince chez les taures en plus d’être composé de gras majoritairement saturé et donc plus rigide. C’est pourquoi les taures sont plus sensibles à la compression que les vaches adultes (mais aussi moins pesantes). La présence de fourbure diminue aussi l’épaisseur et la texture du coussin remplacé par des tissus de connections rigides (Ch. J. Lischer and P. Ossent, 12th International Lameness symposium, Orlando, FL,).

Figure 1- Source: A. Chapinal et Coll

Des études ont montré que les vaches ayant une condition de chair de 2 ou moins ont trois à neuf fois plus de chance de développer des boiteries. D’autres ont fait la preuve (Bicalho et al.) que les vaches ayant des lésions aux pieds ont un coussin moins épais que les vaches en santé.

Figure 2

On remarque que l’épaisseur du coussin diminue les quatre premiers mois de la lactation et augmente vers la fin, tout comme la condition de chair (voir figure 3). Ces observations sont la preuve que, non seulement les vaches ayant mal aux pattes maigrissent, mais que les vaches maigres sont plus susceptibles d’avoir des problèmes de pieds. Ce qui vient rehausser l’importance de BEN (bilan énergétique négatif) en début de lactation qui est directement relié à l’intensité de la perte de condition de chair en début de lactation. On savait que celui-ci pouvait être responsable des problèmes de reproduction et de production, mais voilà qu’il pourrait aussi être la cause de problèmes de boiterie.

Figure 3

En conclusion, disons que la boiterie est un phénomène complexe auquel on trouve, par contre, de plus en plus d’explications. Il est impératif d’y accorder une importance particulière et d’avoir une régie du confort adaptée à cette réalité, une alimentation adé quate ainsi qu’un taillage fonctionnel des sabots. L’aspect économique peut devenir très important si on néglige ces points.

Sur ce, je vous laisse, il y a du foin à faire!! Mais prenez quand même le temps d’observer vos vaches entre deux voyages…

Par Hugues Ménard

Expert-conseil régional, La Coop fédérée