La production laitière… vers 2025, 2050!

Publié le 11 mai 2015

 par Bertrand Farmer, M. Sc. agr, développement des affaires et projets spéciaux, La Coop fédérée

La production laitière dans le monde, c’est 125 millions de fermes qui possèdent 365 millions de vaches; une moyenne de 3 vaches en lactation produisant à peine plus de 2 000 kg par année. C’est loin de notre réalité canadienne.

DEMANDE CROISSANTE MONDIALE
La production laitière mondiale absolue ne cesse d’augmenter d’année en année en raison de la hausse significative des besoins qui s’explique par la hausse du nombre de personnes (nous serons plus de 7,8 milliards en 2025) et surtout en regard à la hausse du niveau de vie de ces personnes dans plusieurs des pays en développement. La production mondiale de lait était de plus de 750 millions de tonnes en 2012 et on prévoit qu’il faudra en produire plus de 900 millions de tonnes d’ici 2025.

Dans un tel contexte de croissance, vous comprenez que des pays comme la Chine ou l’Inde pourraient vouloir produire beaucoup plus de lait. Ils en auraient la capacité mais il faut retenir que leur modèle de production à 2 ou 3 vaches peut difficilement répondre à cette croissance. Ces pays ont des enjeux majeurs : coût et disponibilité d’aliments de qualité (s’ils souhaitent augmenter la production), coût et disponibilité de terre arable, coût en forte hausse de la main d’œuvre et non-disponibilité de main d’œuvre qualifiée, etc. Il est donc essentiellement impensable pour ces pays de passer en mode de production plus intensive comme plusieurs pays développés.

 
PRODUCTION LAITIÈRE DANS LE MONDE – on se compare
Ceci dit, des pays comme le Danemark, la Hollande, la Nouvelle Zélande et les ÉtatsUnis aspirent présentement à devenir ou sont de grands producteurs de lait et se donnent un plan de match pour combler cette croissance des besoins pour 2025, 2050. Quels sont les niveaux de productivité de ces pays développés? Certains sont de grands exportateurs de lait sur le monde et d’autres, comme le Canada, ont opté de ne produire que leurs besoins domestiques. J’ai sélectionné des pays reconnus pour leur leadership dans le secteur laitier.

Production laitière dans le monde
QUELS SONT LES POINTS IMPORTANTS À RETENIR ?
Le Danemark avec son demi-million de vaches montre des niveaux de productivité qui se comparent à ceux du Canada. Le secteur laitier au Danemark s’est restructuré et a adopté fortement la robotisation dans la dernière décennie; il aspire présentement à devenir un exportateur de lait vers l’Europe. La Hollande avec ses 1,4 million de vaches, a des niveaux de productivité similaires à ceux du Canada (un peu moins de lait et beaucoup de composants). Ses grands défis seront la disponibilité de la terre pour produire les fourrages !

Les États-Unis ont dix fois plus de vaches que le Canada; leur niveau de production de lait est supérieur de l’ordre de 1000 kg, mais les kg produits en gras sont quand même similaires à ceux produits en Scandinavie ou au Canada.
La Nouvelle-Zélande mise depuis fort longtemps sur un modèle de production le plus économique dans le monde (basé sur une utilisation maximale des pâturages) et poursuit incessamment sa croissance absolue avec ses 12 000 fermes et 5 millions de vaches soit quelque 400 vaches par troupeaux. Ce sont en majorité des vaches croisées Holstein Jersey, qui produisent une moyenne de 4 000 litres et des composants beaucoup plus élevés que les nôtres. Les kg de composants produits par vache par an sont toutefois beaucoup plus bas que les autres pays en lice… On ne parle pas de productivité mais d’un modèle visant un coût minimal de production. Ce pays exporte présentement 90 % de sa production dans le monde.

 
QUE DEVRAIT ÊTRE NOTRE PLAN DE MATCH ?
Le modèle à suivre en Nouvelle-Zélande ou aux États-Unis est-il applicable pour le Canada ? Non. Le modèle du Canada est celui qui requiert de grands investissements en bâtiments, équipement et qui en retour doit viser de très hauts niveaux de production par vache pour justifier de tels investissements.

Peut-il espérer avoir le meilleur coût de production au monde ? Non.

Le Canada par la qualité de sa génétique doit emprunter le chemin qui vise à maximiser la productivité en adoptant de fortes stratégies tel le confort, les meilleures pratiques de régie de la nutrition dont une qualité optimale des fourrages.

Les États-Unis représentent le plus grand défi pour le Canada. La Californie a le meilleur coût de production aux États-Unis. Difficile de vouloir s’y comparer… Le nombre de vaches par troupeau est significativement élevé, disponibilité de la main d’œuvre, disponibilité de l’eau… Beaucoup de défis à l’horizon… Toutefois, il est beaucoup plus stratégique de se comparer au Wisconsin et de prendre en compte leur vision et leurs réalités fort similaires aux nôtres.
Le Wisconsin a une géographie et un climat relativement semblable aux nôtres. Le Wisconsin était producteur de blé dans les années 1800. Des leaders ont mobilisé des acteurs et ont rêvé de devenir Le Dairyland de l’Amérique du Nord. Le Wisconsin est aujourd’hui le deuxième état le plus important producteur de lait aux USA : 27 milliards de livres de lait annuellement ou 13,7 % de la production totale américaine, et ce, après la Californie avec quelques 42 milliards de livres ou 20,5 % du lait total américain.

LE CANADA
Le Québec et l’Ontario produisent 29 millions et 25 millions d’hectolitres respectivement. Le Canada produit quelque 78 millions d’hectolitres. Le Wisconsin avec ses 27 milliards de livres ou ses 120 millions d’hectolitres produit essentiellement 150 % de la production annuelle canadienne.
Sommes-nous capables de produire du lait aussi efficacement que le Wisconsin ? Oui. Sommes-nous capables de produire des fourrages d’aussi haute qualité ? Oui. Notre climat nous favorise ? Oui. Notre génétique est au rendez-vous ? Oui. Nous avons un nombre important de gestionnaires producteurs qui sont fort capables de faire aussi bien? Oui!

Nous devons le vouloir et nous donner une vision qui fasse ressortir nos plus grandes forces :

  • Une excellente génétique
  • Un savoir unique
  • Des terres à prix encore abordables
  • De l’eau
  • Un accès à de multiples technologies
  • Une très forte productivité:
    1,6 kg de gras
    1,3 kg de protéine
    385 jours en IV
    150 jours en lait ou moins
    Un élevage solide en production à 22 mois
  • Le maximum de revenus
  • L’optimisation des investissements

CONCLUSION
Le Canada a démontré dans les derniers 50 ans qu’il aspirait à produire un lait de qualité et unique pour ses besoins domestiques. Plus que
jamais, il nous faut poursuivre dans notre vision d’être capable de faire aussi efficacement que le Wisconsin qui est notre voisin le plus proche et le plus comparable.

Loin de notre idée d’essayer de produire du lait à meilleur coût que la Nouvelle-Zélande !
Loin de notre idée d’essayer de produire autant le lait (en valeur absolue que tous les États-Unis) ! Mais ne devons-nous pas travailler à faire que notre lait soit produit à un aussi bon coût que le Wisconsin et que le Canada soit reconnu comme un des grands leader de la production laitière en 2025 ?