Santé avicole : parlons Enterococcus et bronchite Delmarva

Publié le 13 juillet 2021

Par François Lefebvre, M. Sc., agr., expert-conseil avicole, avec la collaboration du Dr Jean-François Doyon, vétérinaire.

L’Enterococcus, la mystérieuse

L’Enterococcus, qui est une bactérie, est apparue il y a à peu près 20 ans en Europe. Elle a ensuite migré aux États-Unis, avant d’arriver au Canada avec l’Ontario comme porte d’entrée. Elle est arrivée avec malheureusement plus de questions que de réponses. Il y a effectivement une longue liste de facteurs de risques. Bien qu’il s’agisse d’une bactérie normale de l’intestin, des variants pathogènes sont apparus et bouleversent le cours des choses en pénétrant à travers l’intestin pour se retrouver à l’intérieur du corps. Ces variants attaquent souvent les têtes de fémur et/ou créent un abcès au niveau de la colonne vertébrale. Ces conditions amènent l’oiseau à boiter ou à paralyser et à ne plus être capable de marcher. De l’infection aux viscères peut aussi être observée.

Les rumeurs disent que cette bactérie pourrait provenir des reproducteurs. Si cela est possible, on observe aussi que certaines fermes sont abonnées à la maladie, pendant que chez d’autres, aucun cas n’est observé. Ce sont pourtant les mêmes parents… Pourquoi ? On ne sait trop. Il y a certainement des conditions environnementales diverses chez certaines fermes qui favorisent l’établissement de la maladie. Quelles sont-elles ? Il est difficile d’y répondre.

Face à cette maladie, qui n’arrête pas d’augmenter année après année selon les observations du laboratoire de santé animale du MAPAQ, il y a bien quelques éléments observés sur le terrain qui semblent aider à s’en sortir.

L’utilisation de l’antibiotique pénicilline donne de bons résultats pour le traitement de cette maladie, mais les autorités du regroupement des éleveurs préfèrent s’en éloigner autant que possible, voire arrêter de l’utiliser. Les autres observations, comme celles rapportées par Dr Doyon, favorisent un lavage en profondeur des bâtisses et des équipements. Un lavage bien fait rapporte souvent des dividendes. Un vide sanitaire de 14 à 21 jours aide aussi, comparativement à 7 à 10 jours. Une autre stratégie proposée est de chauffer les bâtisses quatre jours à 100 degrés Fahrenheit, puisque cette bactérie n’aime pas la haute chaleur. Enfin, un bon nettoyage des lignes d’eau avec du savon, suivi de proxy-clean ou d’acide peracétique, nous assure aussi d’une bonne condition pour s’éloigner de cette maladie.

La bronchite Delvarma, la virulente

La deuxième maladie abordée fut une bronchite infectieuse, plus précisément la Delmarva. Celle-ci est causée par un virus, plus précisément un coronavirus. Ça vous dit quelque chose ?

La particularité de ce coronavirus est qu’il change constamment, se propage très facilement et est très prévalent, surtout dans les lots qui ne sont pas vaccinés. Les oiseaux, même s’il n’existe pas de vaccin spécifique pour la Delmarva, excrètent beaucoup moins de virus lorsque les troupeaux sont vaccinés. Cette souche ne se retrouve pas seulement dans le poulet de chair, mais aussi chez les reproducteurs, les poules pondeuses et les dindons.

Un rapport du réseau aviaire (RAIZO, décembre, janvier et février 2021) rapporte bien une augmentation des observations de cette bronchite durant cette période au Québec.

Source : Rapport du réseau aviaire décembre 2020, janvier février 2021, RAIZO, Agriculture, Pêcheries et Alimentation Québec

Nous savons que ce virus change constamment et qu’il n’y a pas de vaccin spécifique pour le combattre. C’est donc à partir de cette observation et de son expérience avec la production porcine que Dr Doyon nous a présenté un modèle de combat possible pour cette bronchite. Le modèle proposé est similaire à celui utilisé pour combattre la SRRP, une maladie chez le porc causée par un virus et qui se propage facilement d’un troupeau à l’autre.

Une région à forte densité de population aviaire, comme celle de St-Félix-de-Valois dans Lanaudière, se prête parfaitement à ce genre d’approche. Le modèle utilisé dans le porc s’appelle CLÉ, pour Contrôle Local et Éradication de la maladie.

Ce modèle et son application ont constitué un succès sans précédent dans le contrôle de cette maladie du SRRP. Celui-ci est constitué de normes minimales de biosécurité à respecter selon les stades de production, de l’exposition de tous les porcs à une souche vaccinale (il faut éviter les populations naïves sans vaccin), et d’une éradication des souches sauvages des maternités. Pour appliquer ce modèle, il faut un consensus des vétérinaires et des producteurs de la région, afin qu’ils travaillent ensemble pour se débarrasser de la maladie. Un coordonnateur devient nécessaire pour organiser le tout et assurer le succès du modèle.

Voici quelques clés de succès qui pourraient être utilisées pour une application dans la volaille :

  • Gestion en tout plein/tout vide des sites
  • Vide sanitaire de plus de 14 jours
  • Chauffage de litière à 100 degrés Fahrenheit pendant 4 jours
  • Améliorer les mesures de biosécurité à la ferme
  • Vaccination par aérosol au couvoir et/ou en élevage des oiseaux
  • Lavage, désinfection et séchage des bâtiments atteints d’une crise
  • Diagnostic plus fréquent des oiseaux de la zone pour observer les mouvements du virus.

 

Deux problèmes avec des pistes de solutions communes

Il est intéressant de noter que plusieurs de ces clés se retrouvent autant pour la bronchite que pour le traitement ou la prévention de l’Enterococcus. C’est la base d’une régie bien faite pour traiter ou éviter ces maladies, surtout lorsqu’il n’y a plus beaucoup d’antibiotiques possibles. Ces deux maladies sont dures et tenaces, et représentent des pertes économiques très importantes à plusieurs niveaux, allant de la reproduction à l’abattage. Nous avons tous à gagner à faire quelque chose de différent pour changer les résultats.

Pour voir ou revoir l’enregistrement de la présentation du Dr Jean-François Doyon, contactez votre expert-conseil en production avicole.