Les artistes de l’élevage vache-veau de St-Jacques

Publié le 5 janvier 2010

Selon le dictionnaire Wikipédia, un artiste est « un individu faisant une oeuvre, cultivant ou maîtrisant un art, un savoir, une technique, et dont on remarque entre autres la créativité de sa production, de ses actes, de ses gestes. » Si on considère des bons veaux comme des oeuvres, vous verrez que cette définition du mot artiste colle tout à fait à Johanne Bell et Christian Thérien, propriétaires de 140 vaches-veaux dans le rang des Continuations à Saint-Jacques-de-Montcalm. Oubliez tout de suite le préjugé qui associe les artistes à des gens distraits, désordonnés et insouciants, bien au contraire, Johanne et Christian développent et gèrent leur entreprise les deux pieds bien sur terre, depuis 15 ans.

…CULTIVER ET MAÎTRISER SON ART…

Régie d’été

Les 140 vaches de races Limousin, Charolais Simmental et Angus et leur veau sont répartis dans cinq pâturages, selon le taureau avec lequel on désire les accoupler parmi les trois taureaux Limousin et celui de race Simmental. Comme la superficie en pâturage est insuffisante pour soutenir les besoins alimentaires du troupeau (59 acres pour 140 vaches), sept balles rondes sont apportées aux pâturages chaque jour et l’apport en minéral par les Pro-Blocs Boeuf est constant. Ici l’eau n’est pas un facteur qui limite la productivité au champ, au contraire. Les quelques 250 têtes ont accès à plusieurs bassins totalisant 1 500 gallons d’eau.

En aucun temps, été comme hiver, les mères ne reçoivent jamais de grains ou de moulée. Pourtant, les vaches sont bien en chair et à voir la grosseur de leur veau, elles produisent une bonne quantité de lait. Le secret se trouve dans le fourrage. « En faisant trois coupes de foin, j’arrive toujours à servir des balles rondes riches en énergie et en protéine pour complémenter les balles plus pauvres, explique Christian. De plus, je sers du grain aux veaux à la dérobée dans une mangeoire au champ. Les veaux profitent plus rapidement et « siphonnent » moins leur mère qui maigrit moins et qui demeure plus fertile par le fait même. »

Point de vue fertilité, Johanne et Christian sont sans pitié… ou presque. Après les tests de gestation, chaque vache ouverte est envoyée à l’encan, à moins qu’elle ne figure parmi les dix vaches de qualité supérieure du troupeau. Alors elle aura une deuxième chance. Lors du test de gestation au printemps dernier, une seule n’était pas gestante sur les quelques 140 vaches fouillées par le vétérinaire, ce qui est absolument remarquable. Ajoutez à cela un maigre taux de mortalité des veaux de 4 % dans la dernière année, voilà des résultats qui impressionnent!

Deux semaines avant la date prévue du vêlage, ou lorsque leur pis commence à gonfler, les vaches sont amenées dans la fosse où un enclos a été aménagé. Elles y reçoivent un bon fourrage de 1re et 2e coupe et un Pro-Bloc Transiboeuf pour renforcer la santé et la vigueur de la vache et du veau à naître.

Lorsque les vaches s’apprêtent à vêler, elles sont amenées dans un parc de vêlage aménagé dans une ancienne porcherie. Comme la majorité des veaux sont petits à la naissance (80 à 90 livres), une assistance au vêlage n’est nécessaire que dans 5 % des cas environ. Deux jours après le vêlage, maman retourne au champ avec bébé qui a été préalablement pesé.

Régie d’hiver

En novembre, les vaches et les veaux quittent les champs pour une cour d’exercice de 1,7 acre aménagée le long de la fosse, comprenant une bâtisse à trois côtés servant d’abri pour les veaux où ils ont droit à du grain, des Pro-Blocs minéraux et du foin de bonne qualité. Les vaches, quant à elles, n’ont que le mur extérieur de la fosse et un brise-vent pour se protéger des intempéries.

La quantité de balles rondes sèches et humides servie grimpe à 10 par jour pour éviter que les vaches allaitantes ne maigrissent trop. Les veaux font-ils moins de gain l’hiver par temps froid? « Pas du tout, répond Christian. Été comme hiver, le gain moyen reste à 2,5 livres par jour, de la naissance jusqu’au sevrage. L’hiver, les veaux ont droit à du bon foin en plus du grain et du minéral dans leur abri, ce qui n’est pas le cas au champ dans leur mangeoire pendant l’été. »

Sevrage et semi-finition

Douze fois par année, soit à toutes les fins de mois, tous les veaux qui sont âgés entre six et sept mois sont sevrés, à un poids variant de 500 à 650 livres. Ils passent tous dans la cage une première fois pour être pesés et y retournent une deuxième fois 15 jours plus tard pour être vaccinés et vermifugés. Ensuite, la plupart de ces veaux sont vendus directement à un finisseur local et les autres seront semi-finis dans l’ancienne porcherie et vendus à l’encan à un poids de 700 livres. Johanne mentionne que moins de 20 génisses seront élevées chaque année pour prendre la relève. « On n’élève que les filles des vaches de qualité supérieure. Si on manque de relève, on préfère en acheter des bonnes plutôt que d’être moins sévères dans la sélection de nos propres génisses d’élevage. »

…CRÉATIVITÉ DE SA PRODUCTION, DE SES ACTES ET DE SES GESTES…

« Je suis gratteux », une affirmation qu’a volontairement lancée Christian à plusieurs reprises au cours de l’entrevue. S’il en est un, il n’est certainement pas un gratteux comme les autres! Les gratteux ordinaires vont diminuer leurs dépenses au minimum quitte à mettre en péril leur productivité, voire leur rentabilité. Pas Christian. Pour limiter les achats extérieurs de fourrages, il épandra au printemps une dose d’engrais sur ses prairies pour récolter plus de tonnes de foin à l’acre. Chaque mois, il assiste à l’encan à St-Hyacinthe pour prendre le pouls du marché et acheter les meilleures vaches si, et seulement si, le prix est alléchant. Tous ses taureaux proviennent des stations d’épreuve car il sait bien que si les veaux ont un meilleur gain pour une même régie, le profit net sera meilleur. Plusieurs équipements sont faits de matériaux recyclés à la ferme, comme la cage pour immobiliser les jeunes veaux qui provient d’une ancienne cage à cochon qu’ils ont transformée. Mais la crème des exemples, je lui laisse le soin de l’exprimer lui-même : « De 1995 à 2005, notre troupeau est passé de 10 vaches à 140 vaches. Pour les trouver, je lisais les pages nécrologiques des journaux pour trouver les bons troupeaux à vendre par la succession, souvent à bas prix. Dans les cas de divorce aussi les bons troupeaux se vendent bien moins chers! Si nous les avions payées à leur juste valeur, les finances auraient été bien plus serrées. L’une dans l’autre, le prix moyen doit tourner autour de 800 $ par vache avec son veau. C’est payant de rester à l’affût des bonnes affaires, mais en achetant de la qualité. »

Oui, vraiment, pour la maîtrise de leur art et de leur technique en plus de leur créativité, nous pouvons considérer Johanne Bell et Christian Thérien artistes du vache-veau!

Par Audrey Trottier agr.