Le drainage: intéressant financièrement?

Publié le 30 janvier 2012

Bien des facteurs techniques militent en faveur du drainage. Il y a habituellement un meilleur établissement des cultures, il y a moins de stress pour la plante, l’incidence des maladies est aussi moins importante, il y a habituellement moins de compaction dans les sols drainés, les semis se font plus tôt et les rendements sont habituellement meilleurs. L’eau peut voyager à faible profondeur sous la surface du sol, dans la direction de la pente du champ. C’est ce que nous appelons de l’écoulement hypodermique. Cette eau refait parfois surface au fond des dépressions au bas des pentes ou encore dans les pentes si celles-ci sont très longues ou qu’elles comportent des replats. La nappe phréatique peut aussi remonter à la surface du sol (nous parlons alors d’une source) quand le sous-sol est irrégulier. Ces résurgences peuvent entraîner des problèmes de compaction et d’érosion si l’écoulement n’est pas contrôlé.

MAIS QU’EN EST-IL DE LA RENTABILITÉ?

Combien cela coûte? Toujours la grande question. Bien que ce soit variable selon chacune des situations, si nous pre nons une terre avec des difficultés moyennes, le coût actuel tourne autour de 2 000 $ à 2 500 $/ha avec l’utilisation de drains ordinaires et de 2 300 $ à 2 800 $/ha avec des drains enrobés. Cependant, la fourchette de prix est variable de -500 $/ha à +800 $/ha du coût moyen selon les difficultés rencontrées dans le champ. De plus, un plan de drainage est essentiel (au coût de 90 $/ha). Pour plus de détails sur les coûts, je vous invite à me contacter.

SEMER TÔT, C’EST PAYANT!

La question est de savoir de combien l’amélioration du rendement sera. La question est toujours délicate, mais il existe quand même plusieurs études sur l’incidence du rendement en fonction de la date du semi. Si, par un drainage efficace, cela nous permet de semer de 6 à 20 jours plus tôt dans de belles conditions, nous arrivons rapidement à une réponse assez concluante :

Dans le maïs :

En supposant un rendement additionnel de 1,6 tm/ha à un prix de 250 $/tm (moins les frais variables de séchage + transport de 30 $/tm) = 220 $/tm, cela nous donne 352 $/ha de revenus additionnels annuellement.

Dans le soya :

En supposant un rendement additionnel de 0,5 tm/ha à un prix de 410 $/tm (moins les frais variables de transport de 7 $) = 403 $/tm, ce qui nous donne 201,50 $. Ainsi, en supposant un coût de drainage de 2 250 $/ha, cela nous donne un délai de récupération d’environ 7,5 ans.

RÉPONSE DE LA CULTURE AU DRAINAGE SOUTERRAIN
Culture  -Iowa            -Ohio            -Ontario tm/ha

Maïs       -0,6 à 2,8    -1,25 à 1,8     -1,6

Soya       -0,25 à 1      -0,5 à 1          -0,5

Blé                                                     -1,5

AUTRES CONSIDÉRATIONS DIFFICILES À CHIFFRER

De plus, l’impact du drainage a d’autres répercussions éco nomiques sur l’entreprise, mais qui sont plus dures à chiffrer. Les rendements sont plus constants d’une année à l’autre, ce qui permet de réduire le risque de la météo. Nous pouvons faire une meilleure utilisation des ressources de l’entreprise, le semi est plus hâtif, nous améliorons les conditions de récolte, il y a habituellement une usure moins importante des équipements et moins de puissance est requi se des tracteurs.

LE DRAINAGE DE SURFACE, TOUT AUSSI IMPORTANT

Le drainage de surface efficace permet de diminuer grandement les risques d’érosion du sol, d’améliorer l’uniformité des semis et la levée des plants. Un examen visuel du terrain permettra d’identifier les dépressions et les zones érodées, surtout après des périodes de fortes pluies ou au printemps, après la fonte des neiges. Cependant, une dépression est souvent beaucoup plus grande que la portion du champ qui est inondée à la suite de précipitations. La taille exacte des dépressions doit être déterminée à partir d’un relevé topographique détaillé. Une analyse du plan de drainage est aussi essentielle à la sélection de solutions adéquates. Si la dépression est de taille limitée, elle peut être éliminée par des travaux de nivellement (superficie maximale de la dépression d’après le relevé topographique : 0,5 ha; profondeur maximale : 5 à 10 cm). Les travaux doi – vent être effectués avec une grande précision car un nivelle – ment insuffisant peut résulter en un agrandissement de la superficie des dépressions. Il faut veiller à ce que la pente finale du terrain soit d’au moins 0,15 %, de manière à éviter toute accumulation d’eau au-dessus des anciennes dépres – sions. De plus, le sol arable doit être conservé à la surface en toutes circonstances. Enfin, il est parfois nécessaire de procéder à des travaux correctifs, au cours des premières années qui suivent les travaux de nivellement, afin d’éliminer les irrégularités qui pourraient résulter du tassement du sol suivant les travaux.

CONCLUSION

Il faut se rappeler que le drainage est avant tout un investissement qui se répercutera sur le prix de la terre et non pas une dépense. De plus, chaque cas est variable, d’où l’importance de calculer, cas par cas, la rentabilité avant d’aller de l’avant, mais règle générale, c’est une avenue très intéressante pour améliorer la rentabilité de la ferme à long terme. Le délai de récupération peut être variable selon plusieurs facteurs, d’où l’importance de faire un budget réaliste pour votre entreprise. Le drainage s’inscrit bien dans le concept du développement durable. En effet, cela permet d’améliorer la qualité de l’environnement en dimi – nuant l’érosion du sol et, par le fait même, la qualité de l’eau. Cela permet également d’améliorer la rentabilité économique de la ferme à moyen long terme et ainsi en faire bénéficier les générations futures.

« On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter ». Emmanuel Kant (1724 – 1804), philosophe allemand

Sources: Texte de Pascal Labranche, agr. et Agriculture Canada

Par Pierre-Luc Brouillette, agr. Conseiller en agriculture durable