Le blé, les facteurs de réussite

Publié le 14 mars 2012

Depuis les années 80, les agriculteurs ont quelque peu abandonné la culture du blé panifiable. Le blé est apprécié comme culture de rotation mais avecla réputation qu’il n’est pas assez rentable. De plus, il est difficile de produire du blé de qualité dans un climat humide comme celui du Québec sans avoir une bonne régie. Cependant, les choses changent. En effet, de plus en plus de fermes de grandes cultures commencent à réintroduire une culture de rotation autre que le traditionnel maïs-soya. En effet, plusieurs avantages permettent de pencher vers le blé comme culture. Le premier est la demande. Par exemple, Les moulins de Soulanges sont à la recherche de blé certifié agriculture raisonnée, ce qui exclu toutes applications de pesticide sur la culture pour l’obtention d’une prime à la récolte. Nous comptons aussi comme avantage la nécessité pour la ferme de réaliser des travaux aux champs à l’automne. Avec l’augmentation du prix des terres, l’amélioration de celles déjà détenue par l’entreprise devient souvent plus rentable que l’achat de nouvelles superficies. L’augmentation de la compaction du sol dans une rotation maïs-soya est aussi souvent observée si les semis ou récoltes sont faits dans de mauvaises conditions. L’implantation d’un engrais vert en post-récolte devient alors un atout pour augmenter la matière organique, améliorer la structure du sol et les rendements de la culture suivante. Cependant, il convient de bien choisir son engrais vert en fonction du but recherché et de la date d’implantation.

Plusieurs pratiques agronomiques doivent être mises en place pour de bon résultats, les recommandations qui suivent sont d’ordre général. Il est préférable de valider celles-ci avec un professionnel pour votre ferme.

Le choix de terrain

Le choix des champs pour réaliser un blé de qualité passe par la mise en terre dans un champ ciblé. Un champ présen tant un historique d’infestation de mauvaises herbes au printemps, de fusariose par le passé, un mauvais égouttement de surface ou souterrain et/ou une compaction trop importante risque d’affecter le rendement et la qualité de la récolte. Il faut aussi privilégier un champ sans trop de résidus à la surface du sol lors du semis. Cela augmente le risque de fusariose du grain (voir plus loin).

Le semis

Il y a quatre facteurs de succès pour un bon semis dans le blé. Premièrement, semer tôt. Un semis entre le 20 avril et le 5 mai peut offrir le double du rendement par rapport à un semis fait du 21 mai au 4 juin selon 160 récoltes faites de 2001 à 2004. Deuxièmement, avoir un taux de semis élevé. Le taux optimal de 200 kg/ha et parfois plus selon le cultivar. Cela diminue le risque d’envahissement des mauvaises herbes en maximisant le rendement. Troisièmement, s’assurer d’obtenir une profondeur de semis égale et adéquate, soit environ 1 pouce. Un semis trop profond ou trop en surface affecte le rendement de façon non négligeable. Finalement, avoir une bonne répartition des résidus de cultures est aussi importante.

La fertilisation

Il est préférable, comme toute culture, de choisir un sol fertile et en santé. C’est souvent une prémisse au succès. Il est recommandé entre 90 et 120 kg/ha d’azote 1 pour le blé panifiable. Après 90 kg/ha, on augmente la protéine. Il faut donc faire des essais afin d’obtenir un taux de protéine adéquat. Dans une régie optimale, il est recommandé de fractionner l’azote en trois temps : au semis, au tallage et à la montaison. Il est possible d’appliquer un engrais organique en post-levée. Il ne faut cependant pas dépasser le stade 2-3 feuilles. Il faut privilégier un engrais organique avec un rapport C/N bas comme le lisier.

Les mauvaises herbes

Il faut éviter la présence d’annuelles envahissantes comme le radis sauvage, la moutarde et le sarrasin car leurs graines sont difficiles à cribler après la récolte. En régie intensive, il est possible de limiter la présence de mauvaises herbes. Un faux semis permet au blé de gagner la bataille sur des champs plus problématiques.

La récolte

Pour ne pas affecter l’indice de chute, il est important de ne pas retarder le moment de la récolte. Il est souhaitable de récolter entre 16 et 19 % avec une bonne ventilation que d’attendre 14 à 15 %. S’il y a présence de trop de grains fusariés, il est alors possible de cribler le lot. Le Centre régional des grains de Novago à Saint-Jacques offre ce service. Cela permet souvent de faire passer un lot qui serait autrement refusé selon les contrats.

Les fusarium

Ils survivent sur les débris de culture contaminés sous forme de spores. Les spores sont des particules microscopiques qui agissent à peu près comme les graines des végétaux et sont protégées à l’intérieur de la fructification. Pour qu’il y ait infection de l’épi, il faut que les spores soient transportées du sol jusqu’aux épis. Nous pensons que ce sont surtout les éclaboussures de pluie qui peuvent transporter le champignon d’un étage foliaire à l’autre jusqu’aux épis. Nous soupçonnons aussi certains insectes de jouer ce rôle de transporteur.

Les infections qui surviennent pendant cette période causent les dommages les plus sévères tels la stérilité florale, la réduction du nombre et de la grosseur des grains. Les températures, après l’infection, vont aussi jouer un rôle important dans le développement de la maladie. En général, un temps chaud et humide favorise le développement du fusarium. D’autres facteurs comme la région, le travail du sol, la fertilisation, la date de semis peuvent aussi influencer la suscep tibilité à la fusariose de l’épi. L’utilisation d’un blé adapté à nos conditions climatiques et qui résistera à la fusariose, améliore évidemment les chances d’obtenir une récolte qui rencontre les normes.

Le blé est là pour rester. Il vous reste à déterminer les avantages de le cultiver sur votre ferme. Demandez à votre expert-conseil des recommandations pour augmenter vos chances de réussites.

Par Pierre-Luc Brouillette, agr. Conseiller en agroenvironnement La Coop Novago

1 Guide de référence en fertilisation, 2e édition, CRAAQ