L’art du départ en aviculture

Publié le 28 juin 2014

poussinJe rénove ma cuisine. Nous avons changé les armoires et je fais la finition du comptoir en céramique 24 par 24. Grosse job! C’est une céramique polie et lustrée et je dois faire de la découpe. Elle se doit d’être parfaite. J’ai bien demandé conseil au vendeur de la céramique. Il me conseille fortement de faire la découpe avec une scie à eau. J’ai bien chez moi une petite scie à eau pas chère, pas chère. Je l’ai regardée et elle ne m’a pas inspiré confiance. Trop petite pour ces grandes tuiles. Je suis allé en louer une commerciale, neuve, presque pas utilisée. Valeur de vente à 1 300 $! Wow! Ça va bien aller. Je m’installe. C’est un départ!

 

Je fais des essais sur les retailles d’une tuile brisée. Ça ne va pas vraiment. J’appelle mon voisin bricoleur, nous étudions la machine. Il repart, je continue. Après trois tuiles non réussies, je suis un peu découragé. Je revois la machine. Malgré sa grande valeur, je lui trouve quelques défauts. Je rajuste ceux-ci. À force de différents essais, j’ai réussi à bien harmoniser mes gestes avec l’engin et ces tuiles pas faciles! J’ai quadruplé ma vitesse d’exécution et le résultat est parfait. J’aurais bien aimé avoir un écrit sur la manière de faire, mais des fois il y a des choses qui ne s’écrivent pas. Elles se font par l’expérience.

 

Depuis quelques temps, nous entendons beaucoup parler de départ d’oiseaux, non sans raison. Il y a bien des recherches sur l’élevage des poulets sans aucun traitement aux antibiotiques, mais il y a ces poussins qui, dès le mois de mai, ne recevront plus d’antibiotiques au couvoir. Ces antibiotiques couvraient bien quelques infections de départ exacerbées quelquefois par des conditions de bâtisse un peu difficiles. Mais là, c’est terminé. Il n’y a plus de passe-droit. Les conditions de départ doivent être parfaites.

 

Il faut considérer ce poussin qui arrive, encore comme un embryon. Il a beau être sorti de l’œuf, il n’est pas complété. Son intestin n’est pas à sa pleine longueur et d’autres systèmes physiologiques et hormonaux ne sont pas achevés. D’ailleurs, il réagit physiologiquement beaucoup comme un reptile, quant à sa régulation de température corporelle, avant de devenir graduellement un homéotherme comme les mammifères.

 

Les quatre premiers jours sont critiques. Les conditions sine qua non : recevoir ses oiseaux sur une litière déjà chaude, qu’on aura stabilisée en température et humidité la veille de l’arrivée. La température de référence dans la pièce pour recevoir ses oiseaux est de 86-87 °F, avec un taux d’humidité de 60-70 %. Si le taux d’humidité est plus bas, il faut une température plus élevée (source Aviagen). Un petit truc : sous les éleveuses, ne pas dépasser 110°F C’est ici que commence l’art du départ.

 

On voudrait souvent avoir en main une charte de température à mettre sur le mur ou dans son contrôle électronique et imposer celle-ci aux poussins. En réalité, l’art du départ se joue là où ce n’est pas écrit. Il vient par l’observation et l’expérience. Mais, l’expérience nous démontre que c’est l’observation qui prime. En réalité, on ne devrait pas avoir de charte de température. On devrait plutôt avoir des photos ou dessins de la disposition adéquate ou inadéquate, des oiseaux sur le plancher. Est-ce que mes oiseaux sont confortables et comment réagissent-ils?

 

Les quatre premiers jours sont critiques, donc. Deux heures après l’arrivée des oisillons, l’observation débute. Il faut les « placer », c’est-à-dire qu’il faut trouver la température à laquelle ceux-ci démontreront qu’ils sont confortables. Une mesure de températures rectales prises ici et là sur différents oiseaux peut aider à vérifier si la température des oiseaux est correcte (une mesure de 40-40,5 degrés °C est à viser). Revoir ces températures rectales le lendemain et vérifier à 24 heures le remplissage des jabots (viser 95 % des oiseaux avec jabots remplis). Visiter ses oiseaux quatre fois par jour, ces premiers quatre jours. Ceux-ci aiment nous voir et ils seront stimulés par la présence d’un visiteur en allant boire et manger (c’est ce qu’on veut que les oiseaux mangent pour stimuler l’intestin à atteindre son plein potentiel de longueur). Certains pensent qu’il ne faut pas déranger les poussins les premiers jours. C’est le contraire. Il faut stimuler les oiseaux à se déplacer pour qu’ils mangent et boivent. Pour ceux qui ont une balance électronique, viser autour de 1000 pesées par jour sera un bon indicateur de l’activité des oiseaux.

 

Toutes ces indications sont de petits trucs, mais en fin de compte, il faut beaucoup observer ses oiseaux. C’est là tout l’art du départ. Et ce n’est pas parce qu’on a tout fait pour bien s’équiper, que tout ira bien. En plus de cela, nous devons être présents, observer et réagir afin que tout soit parfait.

Par François Lefebvre, agr. M. Sc., Expert conseil avicole, La Coop Novago