La régie en transition

Publié le 13 novembre 2020

La régie en transition
Par Hugues Ménard, conseiller spécialisé en production laitière, Sollio Agriculture

La période de transition en est une de grande importance dans la carrière d’une vache laitière. C’est une période durant laquelle la vache passe d’un repos quasi total, d’un statut non productif, à un statut productif qui demande tout un ajustement des réglages. Beaucoup de recherches ont été faites sur la transition en production laitière au fil des ans et pour cause, comme on le dit couramment, « c’est le nerf de la guerre ».

Ces recherches nous amènent à penser la régie et l’alimentation en transition en fonction de quatre cibles : immunité, calcémie, glycémie et santé du rumen. On pense au renouvellement des papilles ruminales, passage d’un bilan énergétique à positif à négatif, gérer hypocalcémie, éviter les rétentions placentaires, etc. Tous les changements métaboliques autour de ces quatre cibles génèrent du stress chez la vache; un stress « normal ».

Il n’existe pas énormément de données concernant l’impact du stress sur les vaches. Toutefois, on peut penser qu’un peu de stress est gérable, mais que le cumul de différents stress finit par avoir des conséquences et qu’il mène aux désordres métaboliques que l’on voit en grande partie dans la période autour du vêlage. Nous savons que la vache est un animal qui aime la régularité tant au niveau de ses activités que de son alimentation. Or, en quelques mois, la vache subit plusieurs changements quant à son alimentation et son environnement : tarissement, préparation au vêlage, vêlage, ration fraiche et début de lactation. Tout ça dans une période durant laquelle on veut minimiser le stress !

S’il existe un niveau de stress inévitable en période de transition, il faut tenter de le minimiser en assouplissant le plus possible tous ces changements. Comment faire ? Revenons à la base, voyons ce qui plait aux vaches.

D’abord pour cerner le sujet, on peut diviser les facteurs de stress que la régie peut engendrer en cinq catégories :

  1. La durée du temps passé avec les mêmes congénères dans un enclos
  2. Le déplacement entre les enclos
  3. La différence de parité
  4. Le surpeuplement
  5. Le stress causé par la chaleur

 

En 2011, Shirmann et ses collègues ont démontré que, durant les quelques jours suivant les changements de groupe, les déplacements à la mangeoire doublent, le rythme d’alimentation augmente de 10 % (slug feeding), la rumination diminue de 9 %. La structure sociale prend trois à sept jours avant de revenir à la normale. Évidemment, les vaches soumises et les primipares sont les plus affectées. Une autre étude démontre une diminution du nombre de cas de désordres métaboliques en fonction du nombre de jours passé dans un même enclos (Fig. 1).

fig 1 désordre métaboliques

 

Afin de minimiser l’impact des changements de groupe, on évitera donc de changer une vache seule à la fois. On aura avantage à faire des changements par paire, au minimum, ou par petits groupes dans les moments calmes de la journée (en fin de journée, et non pendant l’alimentation par exemple). Il est également préférable de faire des changements de parcs contigus surtout entre tarissement et préparation au vêlage. Le mieux, comme le font certains producteurs, c’est encore de tarir les vaches en petits groupes en même temps et de garder ces vaches ensemble jusqu’à leur vêlage. Par contre, cette option nécessite plus d’enclos et d’espace.

De la même façon, la compétition entre les primipares et les vaches les plus âgées aura un impact sur le temps de repos (20 %), la rumination (plus de 20 %), la consommation (10 %) et par conséquent sur la lactation à venir. Il y a donc avantage à séparer les vaches primipares des autres vaches en transition. Enfin, peu importe la stratégie de regroupement, le surpeuplement aura aussi un impact réel. Principalement si les primipares ne sont pas séparées des autres, on voit une diminution de la production de celles-ci et des vaches dominées lorsque l’occupation des logettes et cornadis (espace-mangeoire) dépasse 80 %. Il est donc suggéré de ne pas dépasser ce taux d’occupation en transition et début de vêlage (3 semaines), et de ne pas dépasser 100 % (post-vêlage) si les parités sont séparées. On peut aussi créer un endroit isolé dans un enclos de vêlage qui permettra aux vaches de se soustraire aux autres pour vêler en paix (Fig. 2).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fig. 2 enclos de vêlage (Miner Institute)

Finalement, le dernier et non le moindre : le stress thermique ! On en a parlé abondamment, et avec raison, ces dernières années. Cependant, on s’intéresse principalement à son impact sur les vaches en lait en oubliant que cela a aussi des conséquences sur tous les membres du troupeau, comme les vaches taries et les petits veaux.

L’impact sur les vaches taries est d’autant plus important puisqu’il perdure. En effet, les résultats d’études présentés en février par le Hoard’s dairyman montrent plusieurs effets du stress thermique sur les vaches taries et en préparation. D’abord, comme on peut s’en douter, les vaches qui souffrent de la chaleur avant le vêlage produiront moins de lait après le vêlage. On a aussi remarqué que le fait de rafraichir des vaches en préparation favorisait la prolifération des glandes mammaires (Tao et coll.) ce qui explique en partie la différence de production.

Les vaches stressées par la chaleur consommeront aussi moins avant le vêlage, mais plus important encore, il y a un impact sur la génisse à naitre. La gestation sera moins longue (ce qui explique peut-être pourquoi les vaches semblent toujours vêler avant leur temps l’été), et le veau sera plus petit et le restera jusqu’au sevrage (Tao et coll.). De plus, le transfert immunitaire se fera moins bien pour ces veaux, même avec un colostrum de qualité.

Finalement, cette génisse, dont la mère a subi un stress thermique en fin de gestation, produira moins lors de sa première lactation. Sa production pourra parfois même en souffrir jusqu’à sa deuxième lactation. Voilà donc plusieurs raisons de s’assurer de bien rafraichir nos vaches en transition !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Du tarissement aux premières semaines de vêlage, la vache doit passer à travers plusieurs changements qui augmenteront inévitablement son niveau de stress. Certains sont inévitables, certains peuvent être atténués et d’autres peuvent être évités. En évitant les stress inutiles et en minimisant les autres, il y a de fortes chances que la période de transition se passe bien et que vos vaches vous disent merci en ayant une production optimale !