Doux hiver!

Publié le 20 février 2012

16 janvier 2012Le département d’Agriculture Américain (USDA) a publié, le 12 janvier dernier, un important rapport sur la situation des stocks de grains américains et mondiaux ainsi que sur la situation des récoltes en Amérique du Sud présentement en production. Ce rapport a eu l’effet d’une bombe tant le marché ne s’attendait pas à une telle conclusion. Ainsi, dès l’ouverture, les marchés ont été touchés de façon négative, atteignant la limite pour la journée. En gros, le USDA a, à la surprise générale, augmenté légèrement ses rendements au niveau du maïs de 0,5 boisseau à l’acre pour les porter de 146,7 à 147,2 boisseaux à l’acre, ce qui en fait une récolte de 12,358 milliards de boisseaux comparativement à 12,310 milliards estimés en décembre et 12,447 milliards de boisseaux l’an dernier. Le Département a aussi augmenté les exportations de 50 millions de boisseaux, ce qui laisse des stocks de fin d’année à 846 millions de boisseaux versus 848 en décembre et 1,128 milliard l’an dernier. De plus, la production de l’Argentine n’a été réduite que de 3 millions de tm malgré la sécheresse qui sévi dans ce pays présentement. Notez que le marché anticipait des pertes entre 5 et 10 millions de tm. Le bilan mondial fait donc état d’une réserve de fin d’année de 128,14 millions de tm, comparativement à 128,08 millions de tm l’an dernier.

Pour ce qui est de la fève soya, la situation est un peu diffé rente. La production américaine a légèrement augmenté de 10 millions de boisseaux pendant que les exportations et la trituration sont réévaluées à la baisse. Les inventaires évalués à 230 millions de boisseaux en décembre ont été ramenés à 275 millions de boisseaux lors de ce rapport. Ils en étaient à 215 millions de boisseaux l’an dernier. Mondialement, compte tenu de la baisse de la récolte américaine, les stocks passent de 68,58 millions de tm à 63,43 millions de tm. Alors, nous voyons ici que les stocks aux États-Unis augmentent de 25 % tandis que mondialement, ceux-ci sont en baisse de 8 %.

Dans le cas du blé, les récoltes mondiales de 2011 ont été, somme toute, assez bonnes pour pouvoir reconstituer des stocks de fin d’année supérieurs de 8,52 millions de tm sur l’année précédente. Globalement, la récolte 2011 a permis d’ensiler 688,97 millions de tm comparativement à 651,68 millions de tm l’an dernier. Le Canada a, pour sa part, récolté 25,3 millions de tm de blé comparativement à 23,2 millions en 2010 tandis que nos voisins du sud ont connu une récolte inférieure à l’an dernier à 54,41 millions de tm, une baisse de 5,65 millions de tm.

Localement, les battages de maïs étant terminés, nous parlons d’une récolte d’environ 2,9 millions de tm, soit bien en deçà de nos besoins qui se situent aux environs de 3,5 millions de tm. Les difficultés reliées aux semis du printemps auront eu raison quant au choix que les producteurs avaient à faire, ceux-ci préférant ensemencer de la fève soya ou des céréales, étant donné la date tardive des semis. Du côté de la fève soya, par contre, la récolte fut plus qu’espérée puis – que nous parlons d’environ 800 000 tm récoltées, ce qui représente autant que la saison précédente.

L’impact du rapport du USDA a bien sûr frappé de plein fouet la structure de prix du maïs puisque celui-ci évoluait aux environs de 260 $/tm avant de plonger d’environ 19 $/tm. La situation européenne a aussi eu son lot d’influence puisqu’au même moment où le USDA sortait son rapport, nous apprenions que la France voyait sa note de crédit passer de AAA à AA+ par la firme de cotation Standard & Poors, ce qui envoyait un message d’insécurité et incitait les fonds à acheter des dollars américains, valeur refuge par les temps qui courent. Est-ce que le marché saura rebondir dans les prochaines semaines pour récupérer ces pertes? Le temps le dira mais cela ne serait pas étonnant. Par contre, ce ne sera possiblement pas les exportations ici, au Québec, qui pourront influencer le marché puisque les bases de prix sont actuellement trop élevées. La fève, quant à elle, a été moins fortement touchée puisque le prix de celle-ci n’a reculé que de 4 % (18 $/tm) comparativement à 7 % pour le maïs. Comme la demande a fléchi aux États-Unis, il est étonnant de voir le marché se maintenir à ce niveau. À moyen terme, le prix à la récolte pour le maïs se situe à 205 $/tm fob ferme tandis que la fève soya se transige à 423 $/tm fob ferme. Le ratio soya/maïs à 2,06 favorise présentement la production du maïs pour la prochaine récolte, normalement l’équilibre se situant à 2,35. D’autres éléments doivent aussi être pris en compte puisque la décision d’un producteur peut être très différente pour un autre, selon la situation de chacun quant aux équipements, les besoins en rotation des cultures, l’entreposage du grain, etc.

En fait, l’orientation des marchés dépend souvent plus des chiffres publiés par rapport à ce que l’ensemble du marché s’attendait plutôt que la réalité même de ces chiffres. Dans le présent rapport, les inventaires de maïs de fin d’année à 846 millions de boisseaux sont les plus bas depuis 1995 (17 ans), mais le marché réagit négativement parce que l’on s’attendait à ce que le USDA publie un chiffre inférieur à 846 millions de boisseaux. La situation demeure extrêmement serrée, voire inquiétante, puisque ces inventaires ne représentent que 6,8 % de la production totale américaine ou 25 jours de consommation. Le prochain rapport à surveiller sera celui des intentions d’ensemencements américains qui sera publié vers le 30 mars prochain. À l’heure actuelle, les premiers chiffres entendus parlent d’une superficie d’environ 93 millions d’acres en maïs, soit un peu plus que l’an dernier. Ensuite, les conditions de température, pour la phase des semis, viendront concrétiser la réalisation des intentions. L’an dernier, de multi ples inondations le long des fleuves Mississippi et Missouri avaient grandement retardé les semis dans ces régions. La même situation avait eu lieu le long du Richelieu, ici, au Québec.

Dernier conseil, nous ne connaissons pas l’avenir, mais le partage des quantités à commercialiser est toujours la meilleure sécurité pour l’obtention d’un bon prix moyen.

Par Jean-Pierre Aumont, t.p. Directeur service des grains, La Coop Novago