Créer l’expérience du repas parfait pour la vache laitière

Publié le 26 janvier 2015

Par Marie-Ève Lépine, agr. Experte-conseil ruminants-végétal, en collaboration Nicolas Marquis, T.P. Conseiller spécialisé, La Coop Fédérée

(Le présent article a été traduit et librement adapté d’un texte écrit par Rick Grant, président du Miner Institute, intitulé Creating the perfect [cow] dining experience, publié en décembre 2014).

Une expérience alimentaire positive pour les vaches, soit un bon repas agréable, permet à la vache de satisfaire ses besoins comportementaux de base incluant manger, se reposer et ruminer. Une vache satisfaite sera productive, efficace et en santé. Disons que vous avez de la visite pour souper. À quoi pensez-vous ? Le meilleur des environnements pour se nourrir s’illustre par un repas bien équilibré et appétissant, de la nourriture disponible au moment où on a faim, suffisamment de place à table pour tout le monde, un aménagement de l’espace qui encourage naturellement les convives à se rendre à table, de quoi s’abreuver en abondance, l’emphase sur le repos, la détente et le confort, une bonne qualité de l’air… La liste se poursuit, mais pour les vaches il est certain, en plus, que la nourriture ne doit jamais manquer : le buffet doit être ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Toujours l’abondance

Capricieuses et gastronomes ces vaches? Elles nous demandent à l’année le traitement que nous on se réserve seulement dans le temps des fêtes, et encore, vous me direz! Quelle est réellement l’importance de la disponibilité des aliments? Et bien nous savons que la motivation de la vache à manger augmente de façon marquée après seulement trois heures de restriction. Une recherche américaine menée au Nebraska a conclu qu’une mangeoire vide de minuit à 6 heures du matin réduit la production de lait de 3,6 kg par vache, mais aussi réduit le temps de repos et le temps à la mangeoire. Une autre recherche, canadienne cette fois, a démontré que l’accès restreint à la mangeoire de 10 heures par jour réduit la consommation volontaire de matière sèche de au moins 1,5 kg par jour, et cause deux fois plus de déplacements pour se nourrir. Une troisième étude, faite sur 47 vaches de génétique similaire nourries avec la même ration, a observé que la production de lait sur différentes fermes variait de 20,4 à 33,5 kg par vache par jour. Cet écart reflète les différents niveaux de régie sur les fermes, et d’assurer la disponibilité des aliments à la mangeoire expliquait une bonne partie de la variation de production de lait parmi les fermes participantes. Les troupeaux qui étaient nourris jusqu’à l’obtention de refus significatifs produisaient en moyenne 1,8 kg de lait par vache par jour de plus. Les entreprises qui avaient la discipline de repousser les refus de façon routinière produisaient en moyenne 3,6 kg de lait par vache par jour de plus.

Pas de chicane à table

Lorsque vous préparez votre souper, vous savez probablement qui ne pas asseoir ensemble ou carrément qui ne pas inviter. Dans un troupeau en stabulation libre, c’est plus difficile à gérer. Nous savons que d’exagérer le nombre d’individus à la mangeoire nuit drastiquement au comportement normal des animaux, les vaches vont manger des repas moins nombreux mais plus gros, elles vont se dépêcher à avaler la quantité de nourriture dont elles ont besoin. Cela peut compromettre le bon fonctionnement du rumen. Nous savons aussi que, lorsqu’elles ont le choix, les vaches dominées vont en grande majorité manger de la nourriture moins appétente plutôt que d’affronter une vache dominante pour des aliments meilleurs, et cela lorsque l’espace à la mangeoire est de 18 pouces par tête ou moins. Même avec 30 pouces par tête, environ 40% des vaches soumises choisissent toujours d’éviter une vache dominante même lorsque ça les oblige à manger des aliments moins appétents. Cela représente un défi de taille pour bien aménager nos aires d’alimentation et avoir une régie appropriée.

Un pâté chinois uniforme

Imaginez qu’au moment de servir votre repas vous vous apercevez, malheur, que vous avez mal étagé votre pâté chinois. Si vous espérez que vos convives ne s’aperçoivent pas que certains ont plus de viande et moins de patates que le voisin, et bien détrompez-vous. Même des vaches devant une ration totale (mal) mélangée vont découvrir assez vite qu’il y a des endroits meilleurs que d’autres dans la mangeoire. Le manque d’uniformité dans la distribution de la ration est un problème assez commun. Quand la ration est inconstante le long de la mangeoire, les vaches le savent et vont avoir tendance à « paître » de haut en bas du cordon, résultant en une compétition accrue à mesure qu’elles se démènent pour accéder à la nourriture. Une étude récente réalisée en Colombie-Britannique a observé 51% plus de variations de place et 3,5 fois plus de compétition sous ces conditions qui réduisent de beaucoup l’efficacité de l’alimentation.

Cultiver l’appétit

Les vaches laitières, comme la majorité des animaux d’élevage, démontrent naturellement une conduite agressive et déterminée à la mangeoire. Si la nourriture est difficile à atteindre, elles vont exercer suffisamment de force sur les barrières pour potentiellement se blesser. Si nous les obligeons constamment à faire de grands efforts et prendre des risques pour atteindre la nourriture, nous atténuons involontairement cet instinct naturel de manger avec appétit et détermination. La nourriture doit être repoussée vers les vaches à mesure que ces dernières la rendent inaccessible en mangeant. Nous savons que de une à deux heures après la distribution de la ration est le moment où la compétition est la plus intense pour la vache, donc probablement nous devons faire attention à cette période cruciale du repas quand nous repoussons les refus. Une étude de l’Arizona a démontré que lorsque les refus étaient repoussés chaque demi-heure pour les deux premières heures après le repas, versus seulement une fois par heure, les vaches produisaient 1,8 kg de lait par tête par jour de plus et étaient 10% plus efficaces.

Créer l’expérience du repas parfait pour la vache laitière pourrait donc se résumer à s’assurer qu’elle peut manger facilement un repas uniforme au moment qui lui convient, dans un environnement où la compétition est minime et où elle peut se reposer confortablement après. Lorsque cela se réalise, elle sera productive et en santé, et ce, pour une même ration calculée!