Publié le 8 juin 2021
Par Mélisa Tranchemontagne, technicienne aux communications
Dans une série de huit reportages à la ferme, découvrez des producteurs et productrices agricoles membres de Novago Coopérative qui brillent dans les hautes sphères de l’agriculture québécoise et canadienne.
Claire Desaulniers et Alphonse Pittet
Conseillère à la table provinciale pour les travailleurs étrangers temporaires et président du Conseil québécois des plantes fourragères
Leurs parcours
Claire Desaulniers : Il y a 25 ans, quand j’ai rejoint la ferme officiellement, j’ai reçu une lettre de la part des Agricultrices de la Mauricie pour me souhaiter la bienvenue et m’inviter à m’impliquer. Je n’avais pas réalisé qu’il s’agissait d’une participation volontaire et je m’étais sentie mal à l’aise, croyant avoir oublié de payer une cotisation obligatoire. C’est comme cela que ça a commencé, tout bonnement, puis j’y ai pris goût et intérêt. Je me suis impliquée dans divers comités et organisations, notamment à l’UPA et avec le Réseau Agriconseil. Aujourd’hui, je siège sur la table de concertation sur les employés étrangers, afin de faire connaître la réalité des fermes en production animale qui font l’embauche de travailleurs étrangers temporaires, un dossier qui me tient beaucoup à cœur.
Alphonse Pittet : Il y a environ 50 ans, en Suisse, d’où je suis originaire, un cours nommé « Instructions civiques » nous apprenait comment s’organisait la vie démocratique dans le pays, comment les individus peuvent influencer le changement, localement, régionalement, dans les cantons, puis au niveau fédéral. Que ce soit comme citoyen ou comme producteur agricole, ça a allumé une étincelle en moi.
Déjà à 18 ans, je siégeais au conseil d’administration de la coopérative agricole de mon village, où je faisais certainement baisser la moyenne d’âge. C’est de cette façon que j’ai pris goût à comprendre comment fonctionne les organisations et à m’investir au sein de conseils d’administration. Puis, au fil des ans, mon parcours a suivi son cours dans plusieurs organisations telles que le CIAQ, le PATLQ (Valacta). J’ai également agi à titre de membre fondateur de Gesthumain, siégé au conseil provincial des CAB et j’en passe. Je préside maintenant le Conseil québécois des plantes fourragères et laissez-moi vous dire que les défis y sont présents, je n’y compte pas mes heures.
Être en couple et impliqué
Claire Desaulniers : L’une des choses intéressantes lorsqu’on s’implique à l’extérieur de son entreprise et que son conjoint fait de même, c’est qu’on a toujours quelque chose à se partager. Nos discussions ne tournent pas toujours autour des mêmes sujets. Bien sûr, quand les enfants étaient jeunes, le rythme était assez effréné. Cela nous force à créer nous-mêmes nos moments de quiétudes, comme aller manger aux champs ; j’aimais ça il y a 25 ans et j’aime encore ça aujourd’hui. C’est un petit bonheur tout simple qu’il faut s’accorder quand on a moins de temps pour les loisirs.
Alphonse a toujours cru en moi et ça aide d’avoir un partenaire qui te pousse à t’élever. Nous avons le sens du devoir en commun. Malgré les inconvénients liés à mes absences, il comprenait très bien mes engagements. Il savait pertinemment que lors d’une prochaine absence ce serait à mon tour de comprendre. Cela a fonctionné, parce que nos valeurs se rejoignent et qu’on se réalise dans nos implications.
Alphonse Pittet : Je ne peux qu’être entièrement d’accord avec ce que vient de dire Claire. C’est un couteau à double tranchant d’être partenaire dans la vie et en affaires. On peut facilement tomber dans le piège des discussions qui tournent autour du même sujet, comme un vieux disque qui s’use. Nous avons la chance d’avoir partagé beaucoup d’histoires, toujours en étant professionnels et en gardant les aspects confidentiels pour nous, mais ça amenait des sujets nouveaux et beaucoup d’apprentissages de part et d’autre. Nous avions certainement une bonne capacité physique et mentale, parce qu’il y a 20 ans, les réunions virtuelles n’existaient pas. S’endormir au petit matin et se lever à l’aurore, nous l’avons fait souvent.
Leurs grandes fiertés
Claire Desaulniers : Spontanément, la présidence du réseau Agriconseil a été l’une des réalisations qui me rend la plus fière. Je sais que j’ai été un élément profitable pour cette organisation. Le climat a toujours été convivial, ça n’a jamais été un lieu de tempête, mais plutôt un espace créatif et empreint de discussions ouvertes, ce qui rejoint mes valeurs.
Alphonse Pittet : Ce qui me rend le plus fier dans l’ensemble de mes réalisations, c’est de ne pas avoir été un leader qui impose et dirige, mais plutôt qui influence positivement. Souvent, quand j’avais une idée en tête, on y arrivait au fil d’arrivée. Plutôt que de l’imposer aux autres, j’invitais les membres de l’organisation à se l’approprier. Nous en sortions tous gagnants. J’en suis témoin aujourd’hui avec joie, puisque plusieurs intervenants de l’industrie me mentionnent que mes recommandations passées ont fait leur bout de chemin et sont toujours en place aujourd’hui.
Les défis de la pandémie
Claire Desaulniers : En lien avec les travailleurs étrangers temporaires, la pandémie a tout bousculé. Je me suis sentie comme s’il s’agissait de la première fois que je présentais une demande. Nous avons vécu beaucoup de stress et il a fallu s’adapter et faire preuve d’agilité. Nous avons mis en place des outils pour assurer notre sécurité et celle de nos travailleurs. Nous avons instauré des normes sanitaires et nous avons tenu les travailleurs informés de l’évolution de la situation tout au long du processus.
Alphonse Pittet : Il y a un an, les réunions virtuelles étaient peu fréquentes. Nous avons certainement apprivoisé une bonne partie des outils technologiques disponibles depuis. Il en a résulté, une très grosse année d’avancement dans les projets. Le fait que nous n’ayons plus à nous déplacer, c’est une économie de temps considérable. Bien sûr, le contact humain et se donner une bonne poignée de main me manquent.
Leurs conseils pour la relève
Claire Desaulniers : Les apprentissages qu’on fait nous éduquent, nous transforment et nous permettent d’être de meilleurs entrepreneurs. Mais la plus grande valeur ajoutée de l’implication, pour moi, c’est le réseau qu’on bâtit. Nous créons des liens professionnels, mais aussi personnels. J’ai rencontré durant mon parcours des femmes précieuses, que je considère aujourd’hui comme des amies.
Alphonse Pittet : Ce n’est pas le niveau d’implication qui est important, c’est d’aimer ce pour quoi on s’implique. Je recommanderais à un jeune de commencer par une petite implication. Que ce soit une implication agricole, dans un loisir ou l’école de ses enfants.
Une chose est certaine, c’est que j’ai le sentiment d’avoir plus reçu que donné. On apprend beaucoup de nos pairs et à plusieurs niveaux. Cultiver un réseau c’est aussi probablement le meilleur antidote à la détresse psychologique.