Avoir du « guts »!

Publié le 8 août 2013

avicoleeDernièrement, lors d’une séance d’autopsie, on discutait entre différents collègues de notre « expérience » de temps de travail dans le domaine avicole. Je vais vous dire le temps que ça prenait pour faire un poulet « broiler », ça vous donnera une idée du temps « d’expérience »! Quarante-neuf jours pour du poulet non sexé.

Je parle bien du milieu des années 80. Nous en sommes rendus à 35 jours à peu près. Comment en sommes-nous rendus là? Les gens étrangers au milieu pensent tous que c’est par l’utilisation d’hormones, mais c’est bien tout simplement la sélection génétique qui nous y a amené. Grosso modo, sélectionner les mâles et les femelles qui grossissent le plus vite et les croiser ensemble. Le résultat est phénoménal! Par contre, quand on y regarde de plus près, voire en ouvrant le capot des oiseaux, on regarde les organes internes pour voir si le « moteur » a grossi? Mais non. Il ne semble pas y avoir de changement. Alors, d’où vient cette vitesse?

Une des conséquences de la sélection des poulets, c’est que ces poulets mangent beaucoup plus et plus souvent qu’auparavant. Aussi, la vitesse de passage de l’aliment pour être digéré dans l’intestin est beaucoup plus rapide. Et en réalité, quand on y regarde de près, c’est bien l’intestin qui est important. C’est cet organe qui transforme tout ce qu’on lui donne à manger pour le convertir en chair et en os. Cet organe est tellement important qu’il utilise à peu près 20 % de la moulée pour son fonctionnement. Ça peut être plus si ça va mal…Quand on pense à l’intestin, il faut penser à plusieurs choses : son développement, son intégrité, sa flore bactérienne et son bon fonctionnement. Et c’est ici que le travail de l’éleveur devient très important.

Le développement de l’intestin : ça fait plusieurs années que l’on parle de l’importance du départ des poussins. Les poussins, à leur arrivée à la ferme, sont encore des embryons pour moi. Ils n’ont pas fini leur développement. Les trois premiers jours de l’arrivée du poussin sont extrêmement critiques pour le développement de l’intestin : atteinte d’une longueur maximale et d’un système digestif optimal. Ils ont besoin d’un confort parfait de température et de qualité d’air pour n’avoir qu’une chose à penser : manger et boire. Les recherches l’ont bien démontré, il faut que les poussins mangent dès que possible et ce, plusieurs fois par jour (donc les poussins doivent être actifs et, pour se faire, ils doivent être confortables). La nourriture doit être bien présentée et l’eau doit être d’une qualité irréprochable, c’est-à-dire sans aucun agent pathogène et même mieux, doit être d’un pH du côté acide grâce à l’utilisation d’acides organiques surtout. Ces acides vont favoriser une flore intestinale optimale pour l’intégrité de l’intestin et donc la digestion de la nourriture. L’eau est souvent négligée et prise comme allant de soi, mais il y a des eaux meilleures que d’autres pour avoir un meilleur intestin et il faut chercher à l’optimiser au bénéfice de l’oiseau.

avicoleAprès un excellent départ, la régie des plats devient extrêmement importante. Les plats ne doivent pas tomber vides et il doit être toujours facile pour l’oiseau de manger, tout le temps. Le moindrement, et pour quelque raison que ce soit où l’oiseau a moins accès à la nourriture, il se mettra à picorer autour des plats à la recherche de moulée perdue. Invariablement, il se retrouvera avec une partie de ripe ou litière dans le gésier avec une charge plus élevée de coccidies et autres bactéries y résidant. La suite est une atteinte à l’intégrité de l’intestin et une perturbation de la flore bactérienne de celui-ci. Il devient donc très important de bien régir ses plats, de voir à la hauteur optimale de la moulée dans ceux-ci et à la qualité présentée. L’accumulation de farine de moulée n’est pas désirable et se doit d’être contrôlée parfois par un vidage des plats par les oiseaux sur une base régulière. J’ai déjà rencontré un maître-éleveur de la France qui faisait vider ses plats tous les jours. Sans nécessairement le faire tous les jours, c’est certainement une bonne habitude à prendre afin de s’assurer d’avoir seulement de la moulée fraîche dans les plats. Observez les oiseaux et regardez ce qu’ils font, on en apprend souvent par leur comportement.

Le futur

Il ne faut pas oublier qu’il y a de grandes pressions du côté du ministère de la Santé pour qu’on en arrive éventuellement à des oiseaux élevés sans aucune forme de médicaments dans la moulée, que ce soit pour le contrôle de la coccidiose ou pour un contrôle de la flore intestinale. Nous devons travailler avec d’autres formes d’ingrédients tels que des vaccins, des acides organiques, des parois cellulaires de levures, des probiotiques et autres pour y arriver. Mais tout ceci sera un coup d’épée dans l’eau s’il n’y a pas une régie appropriée du confort de l’oiseau, de la qualité de l’eau et de la régie des plats de moulée pour avoir un intestin qui a du « guts »!

Par François Lefebvre, M. Sc., agr.

Expert-conseil en production avicole, La Coop Novago

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