Publié le 14 juillet 2014
Dans le contexte actuel du coût des concentrés et des fourrages, il est normal d’entendre parler de… coûts! Les prix par tonne d’intrants, le prix du lait par hectolitre, les coûts de concentrés à l’hl, de fourrage à l’hl, la marge par kilogramme de gras, etc. Avec tous ces critères qui peuvent servir à mesurer la rentabilité du volet alimentation d’une entreprise, il est facile d’en perdre son latin et de sauter trop vite aux conclusions!
Dans le tableau ci-dessous, nous avons, pour une même ferme de 50 kg de quota à produire, différentes simulations d’impact économique réalisées à partir du Logiciel Économique Coop (LEC) et ce, pour un même coût d’alimentation à 23 $/hl. Comment peut-il y avoir des différences économiques aussi grandes?
En regardant ces chiffres, on constate que cette ferme a une tendance à la baisse sur le prix du lait/hl lorsque sa production augmente et a plus d’hectolitres à produire. Pourtant, elle permet de générer plus d’argent au fur et à mesure que sa production monte et que ses pourcentages de composantes (gras et protéine) se rapprochent. Les éléments clés sont la vente supplémentaire de kilos de protéine pour un même quota produit et les frais variables attribuables au nombre de vaches en moins. Ce n’est pas le coût/hl qui a fait la différence, car c’est le même! Bien sûr, il faut y porter une attention, mais il faut aller plus loin…
Avec comme exemple le prix des composantes de février 2014 (tableau ci-dessus), quel est l’impact de la protéine à elle seule sur le revenu d’une ferme de 50 kg, toutes choses étant égales?
Vous remarquez que pour chaque 0,1 % de protéine en plus, la valeur du lait grimpe de 1 $/hl et le revenu augmente de 4 000$. Donc, si la ferme # 4 avait un coût d’alimentation/hl de 1,00 $ supérieur à la ferme # 1 (4 148 hl X 1 $ = + 4 148 $), il lui resterait tout de même 7 811 $ nets de plus par année!
Pourquoi parler de marge/kg de gras?
D’abord, c’est quoi, la marge/kg de gras? C’est une marge alimentaire qui reste par kilogramme de gras vendu, une fois déduit le coût de l’alimentation de TOUT le troupeau, ainsi que les frais de la paie de lait (mise en marché, publicité, plan conjoint, etc.) Par exemple, une vache produisant 25 litres à 4 % de gras produit 1 kg de gras. Si le prix du lait vendu, après déductions est de 75 $/hl et que les frais d’alimentation totaux du troupeau sont de 28 $/hl (taures, taries et vaches en lait), il reste 47 $/hl x 25 litres, donc 11,75 $ pour ce kilo de gras vendu. Si vous avez 50 kg de quota, c’est 50 X 11,75 $, soit 587,50 $/jour qu’il reste pour payer les autres dépenses de la ferme.
Pourquoi la marge par kilo de gras est-elle un indicateur fiable pour mesurer l’efficacité de l’alimentation d’une ferme laitière? Dans un système de quota comme le nôtre, le facteur limite pour les livraisons de lait est le nombre de kilogrammes de gras livrés. Il faut donc aller chercher le revenu maximal pour tous ces kilos de gras. Pour une même quantité livrée, comme dans notre exemple de 50 kg/j, le fait de faire varier les composantes a un impact majeur, principalement avec un ratio SNG/G (solides non gras/gras) qui se rapproche de 2,35, tel que permis. La baissedu taux de gras permet de vendre plus de kilos de protéine. Les revenus pour leskilos de gras sont les mêmes (en considérant que, dans chaque situation, tous leskilos de gras permis ont été vendus).
Lorsqu’il y a moins de vaches pour un même quota livré, les frais variables reliés aux vaches en moins sont aussi pris en compte. Une ferme qui a plus de vaches a aussi plus de taures en inventaire pour un même taux de réforme. Puisqu’il faut évidemment alimenter ces taures, elles engendrent des frais. De plus, imaginez faire 50 kg de quota avec 40 taures en inventaire nourries avec des fourrages de bonne qualité, comparativement à faire 50 kg de quota avec 60 taures en inventaire nourries avec des fourrages moyens. Les revenus seront les mêmes pour ces deux situations, auront-elles le même solde financier? Les dépenses alimentaires, dans le deuxième cas, seront de loin supérieures en raison de la quantité de concentrés nécessaires pour pallier la qualité des fourrages et les 20 taures de plus à alimenter! Il restera donc beaucoup moins d’argent par kilo de gras livré!
C’est une des raisons pour laquelle il est nécessaire de parler de marge/kg de gras. C’est ce qu’avance également René Roy, agroéconomiste chez Valacta, dans le rapport annuel 2013 de cet organisme : « La marge sur le coût d’alimentation par kg de matière grasse produit est le meilleur indicateur pour analyser l’impact économique d’une stratégie d’alimentation. »
Le tableau mensuel La Coop, offert gratuitement pour les clients du réseau, fusionne les informations des achats d’intrants, de la paie de lait et de Valacta. Il s’agit d’un bulletin qui, à tous les mois, permet de voir rapidement les points forts, les tendances et les points à améliorer. Dans l’exemple ci-dessus, on voit une petite partie du tableau avec le chiffre 12,02 $/kg dans la ligne du dernier mois. C’est un excellent résultat. Pour atteindre une telle marge, il faut exceller partout. La qualité des fourrages, le nombre de taures en inventaire, le nombre de vaches pour faire le quota, les composantes, les coûts d’alimentation totaux, bref, il faut une approche globale. Une fois cette marge élevée atteinte, il faut s’assurer de livrer le droit de produire! Et la prochaine fois que quelqu’un vous demandera votre coût de concentré/hl, parlez-lui de votre marge / kg de gras, car vous savez qu’il faut aller plus loin que les coûts…
Par Nicolas Marquis, T.P. Conseiller spécialisé en production laitière, La Coop fédérée, collaboration de David Arseneau, agr. Directeur technique La Coop fédérée