La réduction des GES en production bovine, oui c’est possible !

Publié le 10 novembre 2022

Par Élizabeth Lepage, agr., experte-conseil en production bovine

L’agriculture et la pollution ; deux mots souvent associés. Le secteur de la production bovine est probablement celui qui a été le plus critiqué quant à son impact sur l’environnement. Toutefois, les méthodes changent, l’information circule et nos connaissances évoluent. Et si la production bovine pouvait maintenant faire partie de la solution? Étant la seule industrie qui possède le pouvoir de séquestrer à long terme autant de carbone qu’elle en émet, l’agriculture deviendra certainement un joueur important dans l’avenir de l’environnement. 

 D’abord, il est important de définir quels gaz à effet de serre la production bovine émet. Voici le nom et la provenance des trois plus importants : 

  • Dioxyde de carbone (CO2) 
    • Gaz à effet de serre de référence 
    • Combustion du carburant, décomposition de la matière organique 
  • Méthane (CH4) 
    • Potentiel de réchauffement de 28 à 34 fois supérieur au CO2, mais moins persistant dans l’atmosphère (12 ans) (IPCC, 2013) 
    • Production entérique des ruminants, gestion et épandage des lisiers 
  • Oxyde nitreux (N2O) 
    • Potentiel de réchauffement 265 fois supérieur au CO2 (IPCC, 2013) 
    • Fertilisation en azote, fumiers et lisiers 

Maintenant que nous connaissons l’origine des GES en production bovine, nous pouvons identifier lesquels peuvent être limités. En effet, selon différentes stratégies d’alimentation et de bonnes pratiques culturales, la production bovine a la possibilité d’avoir un certain contrôle sur ses émissions.  

Réduire la production de méthane 

Le méthane est produit à la suite de la dégradation de la fibre par les microorganismes du rumen. Ce processus de fermentation libère des acides gras volatils, comme l’acétate et l’hydrogène. Rapidement, d’autres microorganismes utiliseront l’hydrogène et le CO2 dissous pour former du méthane (CH4) et de l’eau. La dégradation ruminale de l’amidon, quant à elle, favorise davantage la production de propionate, ce qui tend plutôt à capter l’hydrogène dissous, réduisant l’activité des microorganismes producteurs de méthane. 

Ainsi, une alimentation avec plus de grains produit généralement moins de méthane qu’une alimentation seulement fourragère. Toutefois, ne sautez pas trop vite aux conclusions! 

En pratique, il est évident que les plantes fourragères resteront l’aliment de base pour les bovins. Si nous voulons réduire les émissions de gaz à effet de serre en production bovine, nous devons d’abord éliminer les émissions « inutiles » en travaillant sur la productivité globale des animaux. Par exemple : 

  • S’assurer de servir une ration équilibrée qui répond aux besoins des animaux selon leur stade de croissance ou de reproduction 
  • Diagnostiquer rapidement les maladies ou blessures afin d’apporter les soins adéquats 
  • Réformer les animaux improductifs 
  • Maximiser le taux de gain des veaux et des bouvillons 
  • Améliorer la génétique du troupeau 

Ces stratégies permettront tout simplement d’émettre moins de méthane par kilogramme de viande produit. 

Autres stratégies et additifs 

Certains sous-produits offerts pour l’alimentation des bouvillons contiennent une bonne quantité de gras. Dans les faits, le gras est une source importante d’énergie pour l’animal sans être fermenté comme le glucose. Il agit également comme antagoniste pour certains microorganismes impliqués dans la production du méthane. 

Il existe aussi sur le marché des additifs qui permettent de réduire de façon considérable la production de méthane. Certains sont déjà connus, comme les acides gras tels que le monensin et le biochar. Mais, plusieurs autres composés présentent de bons résultats et commencent à percer le marché. C’est le cas du 3NOP connu sous le nom de Bovaer, une molécule de synthèse qui permet d’inhiber l’activité d’une enzyme dans la dernière étape de la production du méthane. 

 

Honan et al. 2021 

Les bovins ont la capacité de valoriser un large éventail d’ingrédients. Les légumes déclassés aux sous-produits d’usines (distillerie, transformation du maïs, criblures de grains, etc.) peuvent être récupérés par les fermes bovines et ajoutés à l’alimentation des animaux. Ils ont souvent une très bonne valeur nutritive, et c’est une excellente façon d’éviter le site d’enfouissement. 

De plus, il est important de balancer la protéine dans l’alimentation. Un animal qui mange une ration excédant ses besoins en protéine la relâchera dans ses urines. Effectivement, l’azote rejeté par les excréments des animaux retourne dans la nature et peut alors devenir un agent polluant s’il n’est pas récupéré comme fertilisant naturel. 

Selon une méta-analyse 2015 (Selbie et al.), une « plaque » d’urine représente en moyenne un équivalent de 613 kg N/ha pour les vaches laitières et 345 kg N/ha pour les bovins de boucherie.  

Dans le champ : plus de vert et moins de labour! 

Toujours dans l’objectif de réduire les émissions de polluants liés à la production bovine, on peut favoriser le travail réduit du sol pour les cultures destinées aux animaux. Autant pour la santé des sols que pour la réduction des passages dans les champs (moins de combustion de carburant), le fait de minimiser le travail du sol n’aura jamais été autant justifié.  

Un sol en santé avec une bonne couverture végétale permet de capter plus de carbone et de relâcher moins d’azote par lessivage ou volatilisation. Repensez à la concentration en azote de l’urine, plus il y a de plantes vigoureuses pour capter cet azote, plus les pertes d’azote seront limitées. En bonus, la plante pourra s’en servir pour croître davantage et augmenter son taux en protéines.