Publié le 18 avril 2013
22 mars 2013. Habituellement, les producteurs américains débutent leurs semis à cette période-ci. Mais voilà, les conditions dans le sud des États-Unis (Géorgie) ne sont pas idéales présentement. Les conditions humides retardent quelque peu la mise en terre d’une des plus importantes récoltes attendues si l’on se fie aux superficies recensées depuis cet hiver, soit environ 97 millions d’acres comparativement à 93 millions l’an dernier. Le rapport des prévisions d’ensemencement, quant à lui, doit paraître à la fin mars mais le vrai chiffre ne sera connu qu’à la toute fin des semis en juin.
La superficie ensemencée est importante dans l’équation des stocks qui seront récoltés mais la variable la plus « variable » est sans aucun doute la température. Celle-ci peut nous aider à obtenir un rendement de 165 boisseaux à l’acre dans le maïs (4,2 tm/acre) comme on s’attendait l’an dernier mais qui peut aussi nous jouer un sale tour et ne livrer que 123 boisseaux à l’acre (3,1 tm/acre). Le malheur des Américains et de tous les éleveurs de bétails aura quand même permis, à ceux qui ont comme gagne-pain la production de culture céréalière (maïs, fève soya et céréales), de toucher des prix jamais connus jusqu’à présent.
Le période des semis 2012 au Québec fut l’une des plus hâtives jamais connue avec du blé de printemps semé aussi tôt que le 10 avril. Ce fut aussi la preuve que lorsque l’on sème tôt dans des conditions de terrain adéquates, on récolte des rendements importants, en plus de contribuer à récolter du grain de qualité, soit en ayant un poids spécifique élevé causé par une bonne maturité de la plante et soit par l’absence de maladie comme la fusariose dans les céréales causée par un décalage dans les périodes sensibles. À l’heure actuelle, nous sommes loin d’avoir les mêmes conditions puisque le couvert de neige est beaucoup plus important que l’an dernier et les températures beaucoup plus froides (21 mars 2012, record de température avec 27 oC à Montréal vs 0 oC en 2013). Les seuls qui peuvent se réjouir présentement sont les producteurs acéricoles et les propriétaires de centres de ski.
Du côté de l’Amérique du Sud (Brésil et Argentine principalement), le temps de la récolte est arrivé. Aucune déception côté rendement puisque les Brésiliens battront leur record de rendement et devraient dépasser, en importance de récolte, les Américains. Par contre, là où le bât blesse, c’est au niveau de la logistique d’exportation. Les Brésiliens ont du mal à acheminer les grains vers les ports et les débardeurs menaçaient, en mars, de faire la grève pour revendiquer de meilleures conditions salariales. Déjà la Chine a annulé plusieurs bateaux de fève soya faute de grain à charger lors du passage des vraquiers. Alors, d’une part, l’importante récolte met une pression énorme sur les prix et, d’autre part, le fait de ne pouvoir livrer la récolte aux clients crée une rareté temporaire mais qui stoppe la baisse des prix momentanément.
Aux États-Unis, c’est plutôt la demande pour la production d’éthanol qui maintient une pression haussière sur les prix du maïs puisque la production d’éthanol est en hausse et que les inventaires ont récemment connus une nouvelle baisse. Par contre, la demande de maïs pour l’exportation est en forte baisse, ce qui enlève de la pression sur les faibles inventaires.
Localement, la demande semble un peu moins forte que l’offre, d’où un léger fléchissement des prix depuis la récolte. La base locale a subi la pression qu’on s’attendait à moyen terme. Comment réagira-t-elle après la période des semis? Le facteur température sera encore une fois très déterminant et ce, assez tôt en saison puisque si les semis sont retardés, cela pourrait avoir un effet néfaste sur le potentiel de rendement. Si nous subissons une sécheresse cet été lors de la période de pollinisation, cela créera aussi une pression haussière. Mais si tout va bien, dans le meilleur des mondes, et que les astres s’enlignent parfaitement, alors il est fort possible qu’un rendement de 160 boisseaux/acre (4 tm/acre) soit atteint. On reconstruit donc les stocks de fin d’année, les prix baisseront sensiblement… et les éleveurs seront à leur tour, contents!
Par Jean-Pierre Aumont, t.p. Directeur service des grains, La Coop Novago [email protected]