Publié le 26 octobre 2015
Un beau champ de luzerne – appelée parfois minette – c’est plus qu’une question de cultivar. Derrière la pancarte qui vous informe de son nom, il y a des étapes et de l’investissement. Il n’y a pas de magie dans l’implantation d’une luzernière. Tout doit être réfléchi et planifié.
Quand un expert-conseil prépare un plan de culture pour une prairie de luzerne, quelques éléments de base sont à respecter. Tout d’abord, le choix des champs. De préférence choisir un sol bien drainé, car la luzerne ne tolère pas les excès d’eau. Ils provoquent l’asphyxie des racines. En outre, un sol mal drainé a plus de chance de former des plaques de glace qui auront pour effet d’étouffer la lupuline en plus de provoquer un déchaussement des racines. Ce phénomène augmente les risques de blessure mécanique du col des racines et les risques de maladie.
Le type de sol a également son influence. Choisir un loam argileux sera une bonne décision. Les sols sableux peuvent aussi être un bon accueil à la luzerne en autant que l’analyse de sol soit propice à la plante et que nous ajustions la fertilisation en conséquence. Leur faible capacité de libération de potassium (K) peut nuire à la survie de la luzerne. Pour ce qui est des apports minéraux, les recommandations de votre conseiller vous guideront vers la meilleure stratégie.
La régie de coupe demeure un point crucial. Devons-nous faire trois ou quatre coupes par année? La réponse est simple… sur papier. Tout dépend de votre région. Il a été longtemps question du mois de septembre comme baromètre. Pour passer l’hiver, les racines de la luzerne ont besoin de faire le plein d’énergie. Cette période demande de 40 à 50 jours selon la région et le climat. Même que maintenant nous utilisons les degrés-jour. En pleine saison, le réservoir est plein quand la luzerne est au stade pleine floraison. En automne, nous ne pouvons généralement pas nous fier là-dessus. Donc, si votre luzerne atteint 25 cm de hauteur, les plants auront besoin de trois autres semaines pour atteindre le plein d’énergie. La luzerne aura alors de grandes chances de survie.
Qu’en est-il à la ferme?
Toute cette théorie c’est une chose. Qu’en est-il sur la ferme? Le Progrès a posé la question suivante à deux agriculteurs qui connaissent passablement de succès dans leurs luzernières.
La Ferme MC Beaujour, de Rawdon, apprécie la longue durée de ses prairies. Pour un des actionnaires, Marcel Beauséjour, tout est une question de choix. « Il faut bien choisir son type de sol. Évitez les sols trop légers pour une luzerne. Elle ne survivra pas. La planification des semis est également primordiale. Un bon pH, un sol bien égoutté et de bons indices en phosphore et en potasse sont des éléments clefs. »
Sur le plan de la régie de coupe, c’est la même chose. Les propriétaires de la ferme ne dépassent pas trois coupes par année et visent autant que possible de faucher avant la mi-septembre. Nous voulons laisser le maximum de temps à la luzerne pour refaire ses réserves d’énergie. Un truc bien à eux est de hausser légèrement le taux de semis à 18 kg/ha – la recommandation est de 15 kg/ha. « Je suis certain que ça nous revient en rendement », commente Marcel Beauséjour. La fertilisation se fait avec une dose de lisier de bovin l’automne précédant l’implantation, et de la potasse entre les coupes en saison de fauche.
Plus au sud, à Saint-Thomas près de Joliette, la famille Champagne établit des luzernières qui font l’envie du voisinage. Il n’y a qu’un secret : « Tu n’y touches pas en septembre. C’est ça le truc. Nous avons déjà fait des essais où nous avons fauché des sections en automne et nous avons vu la différence sur la survie », indiquait Denis Champagne.
Les exploitants de la Ferme Jeannis possèdent une riche expérience dans la culture de prairies de luzerne, et leur succès comporte des éléments stricts de régie. Outre la date de coupe, le nombre aussi est restreint. « Nous ne dépassons pas trois coupes. Lors de l’implantation, nous prenons une coupe la 1re année et trois les autres années. Nous semons sans plante-abris ici », précisait M. Champagne. La fertilisation se fait avec une application de fumier l’automne précédant l’établissement, et des engrais si le sol l’exige. Jamais de fumier entre les coupes. « Si tu vas mettre du liquide là-dessus, elle brûle c’est simple. »
BV 1912 photo Stéphane Payette
Une luzernière demande une régie serrée pour assurer sa survie. La fertilisation, les dates de coupe et le type de sol choisi pour son implantation auront un impact direct sur sa longévité.
BV photo 1925 Stéphane Payette
Marcel Beauséjour de la Ferme MC Beaujour, de Rawdon, croit que l’élément clef de la survie de la luzerne est le choix du champ où elle est implantée.
BV photo 7707 Stéphane Payette
Daniel, Denis et François Champagne, de la Ferme Jeannis de Saint-Thomas, offrent une luzerne de qualité à leurs vaches, année après année. Leur secret : ne pas la faucher en septembre.
Par Stéphane Payette, T.P.