La recherche au service de la santé intestinale

Publié le 19 décembre 2023

Par François Lefebvre, M.Sc., agr., expert-conseil avicole chez Novago Coopérative   

Il y a déjà 20 ans, j’écrivais, dans le journal Le Progrès de la Coop Profid’or, un article sur les origines des maladies inflammatoires connues chez l’humain pointant sur la santé de l’intestin. À l’époque, des groupes de recherche comprenant des physiologistes, des immunologistes, des microbiologistes, des neurologues, des nutritionnistes et des généticiens commençaient à s’intéresser à cette perspective. Cependant, les découvertes sur l’importance de la santé intestinale n’en étaient qu’à leurs débuts. 

En tant que nutritionnistes formés il y a 35 ans, aux côtés de collègues universitaires spécialisés chez divers animaux de ferme et chez les humains, nous examinions les besoins physiologiques des espèces avec les processus digestifs de l’intestin versus les ingrédients donnés. Jamais nous ne considérions l’apport microbiologique des bactéries de l’intestin dans nos études de nutrition excepté chez la vache laitière avec son gros rumen. Il est important de se rappeler qu’il y a 35 ans, les techniques de microbiologie connues et utilisées rendaient extrêmement difficile l’étude des populations de microbes anaérobiques (qui vivent sans oxygène) de l’intestin. Lorsque nous faisions une culture des microbes de l’intestin, les bactéries anaérobiques ne se développaient pas sur nos plaques, puisqu’elles mouraient au contact de l’oxygène. Nous manquions donc d’outils pour approfondir nos connaissances. 

Depuis, l’étude de l’ADN des êtres vivants a progressé en parallèle avec les avancements des capacités extraordinaires d’analyse de l’informatique. Ces deux domaines, combinés, ont considérablement amélioré notre compréhension des processus intestinaux. De plus, les progrès dans d’autres domaines physiologiques, neurologiques et immunologiques ont contribué à élargir notre perspective. Aujourd’hui, en nutrition, nous ne pouvons plus simplement nous pencher sur l’apport d’ingrédients par rapport aux besoins physiologiques des animaux et des humains. Nous devons également examiner l’écosystème complet de l’intestin, y compris sa microbiologie, sa nutrition, sa physiologie et son système immunitaire. 

La compréhension de la santé intestinale avec tout son écosystème est donc extrêmement importante pour saisir les processus de digestion et d’absorption des nutriments servis et les performances de croissance qui s’ensuivent.  

En ce qui concerne les poulets de chair, la génétique a également connu des avancées phénoménales au cours des 50 dernières années. La sélection des sujets qui avaient les meilleures performances de croissance a entraîné des conséquences extraordinaires. Les oiseaux d’aujourd’hui sont des athlètes musculaires qui grandissent à un rythme impressionnant. Toutefois, nous avons compris que la sélection en fonction de la vitesse de croissance des poulets revient en réalité à sélectionner les oiseaux qui consomment le plus en moins de temps. 

Cet attribut de « manger plus » dans les races utilisées aujourd’hui est probablement ce qui cause le plus de problèmes au niveau de la santé de l’intestin. Cette plus grande quantité de nourriture ingérée par jour exerce une grande pression sur la physiologie de l’intestin. Il y a de fortes chances de créer de l’inflammation qui aboutira en un intestin perméable aux bactéries et nutriments qui y sont présents. C’est ainsi qu’on peut expliquer la présence de bactéries telles que l’Enterococcus dans le sang et dans les os. Ces bactéries pénètrent par l’intestin.  

Que peut-on faire pour remédier à la présence des bactéries dans le système intestinal?  

  1. Éviter de placer les oiseaux dans un environnement trop chaud (ou trop froid, pour d’autres raisons liées au stress) dès leur arrivée. 
  2. Veiller à la qualité et de la salubrité de l’eau qu’on donne à boire aux poussins. L’Enterococcus est une bactérie qu’on retrouve souvent dans l’eau d’abreuvement, d’où l’importance de garantir une qualité d’eau impeccable en utilisant différents produits de salubrité.  
  3. Purger ses lignes plusieurs fois par jour semble aider à préserver la salubrité de l’eau et donc à limiter les risques d’Enterococcus.  
  4. Nettoyer les endroits humides du poulailler, notamment les tétines et les coupes sous les tétines. 

En nutrition, plusieurs avenues sont étudiées à l’international. Toutes visent à réduire l’inflammation de l’intestin ou à renforcer l’intégrité de ses cellules. Il n’y a malheureusement pas de produit miracle existant à ce jour, mais plusieurs ont un certain effet calmant et antibactérien. Des stratégies spécifiques sont à adopter pour préserver la meilleure santé intestinale possible, en fonction de diverses conditions. Nous sommes nous-mêmes à l’avant-scène de ces connaissances par nos études et relations internationales. 

En ce qui concerne la génétique, tant que celle-ci ne s’améliorera pas les problématiques persisteront. Des améliorations sont attendues certes, mais en attendant, nous pouvons d’ores et déjà mettre en pratique les stratégies évoquées ci-dessus. Parlez-en à votre expert-conseil avicole.